Article 103 : Critique du film "La Lettre d'amour écarlate"

Bonjour à tous et à toutes, Conan-patriote !
C’est octobre, et comme tous les octobres, le film annuel de Détective Conan est sorti. Il est donc temps pour nous d’en faire une critique : le film 21 de Détective Conan est-il bon ? Tient-il ses promesses ? A-t-il réussi à être pire que le film 20 ?
On traitera d’abord des qualités du film, puis de ses défauts.


Il est conseillé de regarder le film 21 avant de lire cet article.


Le film film 21 est un progrès par rapport au film 20.
              Nous ne ferons pas que critiquer le film en le comparant à son illustre prédécesseur. Cependant, nous serons obligés de passer par la comparaison de temps à autres pour montrer en quoi le film 21 est un progrès net.
              Du point de vue du scénario, le film 21 réussit à être agréable sans être prise de tête. C’est un scénario qui peut être plaisant et qui se laisse regarder.
Tout d’abord, il y a le thème du film. Alors que le film 19 avec comme thème « Kaitô Kid est devenu un bad guy » (mauvaise idée de faire un film entier sur juste ça), et que le film 20 avec comme thème « Et là l’Organisation arrive et BOUM EXPLOSIONS PCHHH BOUUUM TRACTOPELLE AKAIAMUROOOO », le film 21 a décidé de se concentrer sur le karuta et ses compétitions.
Cela permet de découvrir un petit pan de la culture japonaise, ainsi que de mettre les personnages (surtout Kazuha) dans une situation inédite. On explore un peu plus son personnage, sa psyché, ses motivations, bref, on apprend à la connaître un peu mieux.



Le personnage de Kazuha est exploré

              Du point de vue de l’affaire, disons-le clairement : alléluia. Le dernier film Conan avec une enquête véritable datait du film 18 ; avant cela, du film 15. Nous avons une affaire de meurtre, avec victime et coupable, et inspection de la scène du crime. Voilà qui rappelle des bons souvenirs de l’époque où les films Détective Conan étaient des films de détective, et non pas de super-héros. Ça permet au film de renouer avec un genre depuis longtemps oublié.
              Enfin, ce qui permet de donner à ce film une aura certaine, c’est les personnages. Exit les banals Takagi, Satô et Megure, le scénariste a choisi de mettre en scène le charismatique Ayanokôji et, surtout, Momiji Ôoka.
Le cas d’Ôoka est particulier. Créée pour le film mais apparue pour la première fois dans le manga, elle est une sorte de passerelle entre l’univers canon et le non-canon. Elle permet d’insérer le film dans la trame romantique principale et ainsi de lui donner une certaine consistance : comme le film traite de la relation d’Heiji et de Kazuha, on arrive bien à situer le film dans la série, on se rend compte que le film compte pour quelque chose. De ce point de vue-là, le film 19 avait lamentablement échoué, et le film 20 s’y était fort mal pris. En lisant, après avoir vu le film, les trois dernières affaires de Détective Conan où Heiji et Kazuha apparaissent, on a vraiment l’impression que le film s’insère bien et respecte la trame.
              Tout cela fait que le scénariste du film, Takahiro Ôkura (qui a remplacé Takeharu Sakurai… champagne !), réussit plutôt bien, pour son premier film Conan, à respecter l’univers de la série. Contrairement aux films 17 ou 19 qui semblaient HS, ou au film 20 qui avait du mal à capturer l’essence de Détective Conan, ce film aurait presque l’air d’un retour aux sources.



Une (petite) enquête policière, pour la première fois depuis le film 18


              Si l’on compare aux deux derniers films, il y a eu une hausse de qualité des dessins.
Le film 20 avait clairement réussi à dépasser le film 19, pas terrible esthétiquement mais pas non plus mauvais au demeurant, dans la bataille pour Le Film Détective Conan Le Plus Moche. Nous nous étions même sentis obligés de créer un album photo sur notre page Facebook pour faire une liste des plus belles œuvres d’art du long-métrage.
              Le film 21 réussit à avoir, globalement, des dessins un peu meilleurs que le film 20. Pas totalement meilleurs, car certaines images restent fort peu agréables au regard, mais un peu mieux que le fond du fond atteint avec le film 20. Evidemment, cela ne suffit pas pour retrouver la qualité des films 17 et 18, qui, par leur combinaison des traits noirs et du filtre marron, réussissaient à avoir un style collant parfaitement à l’identité de la série, mais ça permet de faire passer la pilule du film 20.
              La force du film 21, c’est aussi sa direction esthétique. Le film joue beaucoup sur les paysages, magnifiquement dessinés comme souvent dans Conan : on a les manoirs Ôoka et Achiwa, des somptueuses images de décors (feuilles d’arbre, paysages de nuit), bref, du tout bon de ce point de vue-là. Cependant, comme on le verra après, ces paysages sont un cache-misère pour quelque chose de bien plus inquiétant en termes d’esthétique visuelle.
              Le storyboard du film est également plus intelligent que celui du film 20. Le problème visuel du film 20 venait en partie du fait que, alors qu’il avait un budget moindre que les films précédents, le storyboard de la production de DC ne s’était pas adapté. C’est chose faite avec le film 21, qui utilise plus intelligemment le storyboard en faisant des gros plans, où en découpant mieux les scènes afin de ne pas faire transparaître les coupes conséquences de budget, qui se répercutent sur la qualité des dessins.


Malheureusement, et c’est là qu’il va pêcher, le film a beaucoup de défauts. Ils sont tout d’abord d’ordre scénaristique, puis esthétique.
              Scénaristiquement parlant, le film reste dans la droite lignée des deux derniers films : un phénomène de fanfictionnisation des films Détective Conan. Et pas des bonnes fanfictions, des mauvaises.
Alors que les premiers films de la série avaient un scénario qui tenait la route et tentaient au maximum de rester dans la vraisemblance (et réussissaient), les films 19, 20 et 21 de Conan sont touchés par le syndrome du scénario fanfictionnesque. Cela ne signifie pas « mauvais », car les excellentes fanfictions sont légions, mais ça signifie que les  scénaristes des films Conan ne se sentent plus soumis à la vraisemblance. Tout est faisable, rien n’est interdit.



Heiji se suicidant


Ainsi, pour que le scénario puisse marcher, Kazuha devient soudainement une pro en karuta. Comble de la stupidité, Heiji lui fait même remarquer qu’il n’était pas au courant qu’elle faisait partie de ce club de karuta—alors que, rappelons-le, ils sont 1) Amis d’enfance, et 2) Vont au même lycée. Il est totalement invraisemblable que Kazuha ait en fait pratiqué le karuta depuis un an ou deux sans qu’Heiji ne le sache.
Le fanfictionnisme continue aussi avec les actions incroyables de Conan. On a une scène d’action au début, et une scène à la fin, ce qui semble devenir le schéma classique des films Conan récemment. Rien n’étant plus interdit, les lois de la physique évoluent selon comment l’auteur a envie d’écrire son scénario : au début du film, Conan fait un saut de 200 mètres et atterrit dans l’eau sans problème, alors qu’à la fin du film, Heiji ne peut soi-disant pas se jeter dans l’eau 100 mètres en dessous de lui car l’impact contre l’eau serait mortel.
              Mais si un problème scénaristique vient balayer cette invraisemblance qui parcourt le film, c’est bien celui de la redondance des clichés.
Le film 21 de Détective Conan est un film peu inspiré. En effet, il se base sur une recette qui existe depuis la nuit des temps, à savoir la confrontation entre deux personnages féminins pour un personnage masculin. Triangle amoureux basique, tout ce que le scénariste réussit à faire pour provoquer la confrontation entre Kazuha et Momiji, c’est de faire que la dominante lance un défi à la pauvre dominée (cliché), qui vaillamment accepte (cliché), et qui grâce à l’aide d’un mentor qui a une qualification sortie de nulle part (cliché) entraîne pendant deux jours la pauvre dominée et réussit à faire d’elle la championne du monde de son sport (cliché) à travers une guerre interposée autour d’un sport qui a comme enjeu un mâle (cliché).
En plus de ces ficelles éculées, on a droit à des recyclages purs et durs des précédents films de la série : bombe dans un immeuble (film 1, film 5), Conan saute par une fenêtre avec son skate (film 5), Conan utilise ses bretelles élastiques pour se rattraper (film 18), Conan fait une semi-malaise puis se souvient que Ran existe (film 15), Heiji utilise le souffle d’une explosion pour projeter son véhicule à une certaine distance (film 5). Tout cela donne l’impression de regarder une sorte de parodie de Détective Conan, comme si les personnages eux-mêmes savaient qu’ils étaient en train de rejouer quelque chose de déjà fait.



              On peut rajouter à ces critiques l’affaire-même de la série. Certes, le film est louable par sa volonté de nous mettre en scène un meurtre contrairement aux deux derniers films (on en vient à se demander pourquoi la série s’appelle Détective Conan), mais l’enquête est d’une banalité et d’une simplicité déconcertantes : une analyse par informatique des traces de sang ? Conan faisait ce genre de choses de tête, par le passé. Une scène de meurtre qui ne fait même pas avancer l’enquête ? La série n’avait pas ça même dans ses premiers tomes.
Détective Conan a donc à faire face au phénomène de « shônenisation » que nous avions évoqué lors de la critique de Magic Kaito 1412 : dans un but de faire plaisir aux fans, le scénariste des films retire tout élément d’enquête et de suspense, et le scénario n’est réduit qu’à son simple minimum au profit de scènes d’action qui, par leur répétition et de leur banalité, perdent de leur éclat : tout le monde se souvient de Conan qui propulse la Ferrari grâce au souffle de l’explosion dans le film 5, mais sur le long terme, qui se souviendra de comment Heiji a propulsé sa moto de la même manière ?

              Du point de vue visuel, le film 21 a beau être un progrès sur certains points par rapport au film 20, le budget serré et le storyboarding n’ont pas permis de faire quelque chose d’aussi joli qu’on l’aurait espéré.
              En effet, dans un but de minimisation des coûts, le film 21 utilise une technique bien connue des animateurs qui connaissent des deadlines trop rapprochées : utiliser des images fixes, ou animer le minimum syndical des membres du corps (très souvent, juste les lèvres et un peu la tête). Plus les films Conan vont, et moins les personnages semblent humains, et plus des stratégies très « cheap » sont utilisées pour tenter de maquiller le manque de budget. La faute à des ressources trop faibles, et à un storyboard qui gagnerait à être utilisé de manière plus subtile pour maquiller un peu mieux les coupes budgétaires.
              Ensuite, et c’est un point que nous critiquions déjà avec le film 20, la prod de Conan a de moins en moins recours aux dessins pour animer les films, car les passants en arrière-plan sont petit à petit remplacés par des modèles 3D tout moches et tout raides, qui font tâche sur l’écran et donnent un aspect étrange au film : les personnages « connus » de la série sont animés normalement, et tout le reste, tous les habitants du Japon qui passent en arrière-plan, sont relégués à cette solution ultra-cheap et peu esthétique. C’est bien dommage.


 
S’il fallait résumer ce film, on dirait que c’est bien, mais pas assez. Certes, par rapport à ce que l’on a vécu récemment dans les films Conan, la franchise semble s’être re-réveillée, avec un scénario qui n’est pas aussi simpliste que celui du film 20 et une meilleure attention à l’animation. Cependant, le tout est gâché par des erreurs que le scénariste aurait dû à tout prix éviter : afin de rester dans sa zone de confort, de ne pas trop transgresser les règles, Takahira Ôkura reste dans de la redite, faisant de ce film une parodie de film Conan, et non une véritable aventure épique comme les premiers films l’étaient.
On apprécie cependant l’intrication progressive et amplifiée entre les films et le manga (les films 18, 20, 21 et 22 sont directement liés au manga), l’utilisation de beaux paysages et l’appui sur des personnages autres que Conan et Ran. 13/20, pour un film bof, à peu près équivalent au film 19, qu’il faut voir pour sa culture Conan-esque mais qui ne restera pas dans les mémoires. 

Et vous ? Qu'avez-vous pensé du film ? ;D