Article 15 : ​Le syndrôme de l'ami d'enfance

Si l'on peut facilement remarquer une chose dans la série Détective Conan, c'est son emphase sur la romance. Certes, le manga se veut policier, mais il ne néglige en aucun cas les relations amoureuses entre personnages.
Si le premier couple de la série est bien Shinichi et Ran, qui a mis plus de mille chapitres pour enfin officialiser leur relation, énormément d'autres couples ont émergé dans la série. Eri n'était pas prévue au début de la série, pas plus que Kazuha, et encore moins que Naeko Miike. Et pourtant, tous ces personnes ont quelque chose en commun : ils sont amis d'enfance.

Le format le plus classique de la série Détective Conan est que des amis d'enfance, en grandissant, sortent ensemble. Shinichi et Ran récemment, mais aussi Eri et Kogorô qui se connaissaient déjà au collège, Shiratori et Kobayashi, etc.. Pour les personnages adolescents, le manga multiplie les péripéties : pour que tension amoureuse il y ait, il faut un triangle amoureux (pensons à Eisuke dans le cas de Shinichi et Ran, et de personnages non-récurrents dans le cas d'Heiji et de Kazuha), et des tentatives de déclaration d'amour ratées.
Ainsi, depuis 2012, Heiji et Kazuha multiplient, chacun à leur tour, leurs tentatives de s'avouer leur amour. A chaque fois, soit l'un des deux esquive (Affaire Tôkyô-Ôsaka, où Heiji demande des preuves ; film 22, où Heiji prétend ne pas se souvenir), soit la scène est coupée par l'intervention d'un Editeur ex machina.

En effet, si les histoires d'amis d'enfance durent si longtemps, c'est qu'au-dessus de Détective Conan plâne la figure centrale de l'éditeur. Bien loin de son rôle en Occident, l'éditeur japonais a la capacité (et le droit) d'influer directement sur la série qu'il dirige. Il scénarise presque autant qu'Aoyama, car il donne des "conseils" que l'auteur est obligé de suivre. On doit notamment aux éditeurs la création de Kazuha, car les fans de DC commençaient à penser qu'Heiji était amoureux de Ran. Masumi Sera est aussi de leur fait.

Mais que est l'intérêt pour Aoyama de multiplier ad nauseam cette idée de l'ami d'enfance ? S'il était, au début de la série, très frais et acceptable (après tout, le Japon, autant que n'importe quel autre pays, a une jeunesse prompte à nouer des liens amicaux entre camarades de classe), le nombre d'amis d'enfance dans la série est devenu tel que la situation en devient risible.
La réponse à la question est, en quelque sorte, la plus simple : mettre en scène des amis d'enfance permet à Aoyama, qui est cantonné à un modèle de série en trois chapitres par affaire, d'aller droit au but. On ne se perd pas en noeuds d'intrigue et en explications, non : les amis d'enfance se connaissent depuis toujours, il n'y a donc qu'à dire dans une case qu'ils "se connaissent depuis la maternelle", et le tour est joué. Le syndrôme de l'ami d'enfance est donc le reflet d'une certaine lassitude pour Aoyama à mettre en place des couples crédibles.