Article 63 : "Conan et Kindaichi" sur Nintendo DS, la critique

Détective Conan et les jeux-vidéos ont toujours été liés de près. Dès le succès de la série en 1995/1996 (explosion des ventes du Shônen Sunday, puis diffusion de la série animée), les éditeurs ont vu le potentiel de jeux-vidéos estampillés Détective Conan, et ont rapidement contacté une société spécialisée dans les jeux-vidéos tirés de mangas, Bandai, pour réaliser des jeux basés sur l'univers du petit détective.

Mais le problème principal récurrent dans les jeux Détective Conan, c'est leur répétitivité due à la flemmardise des développeurs. Malgré des scénarios parfois assez bien ficelés (les jeux sur Wonder Swan), tous les jeux Détective Conan se ressemblent. Il est dur de voir la différence entre les trois jeux Wonder Swan, autant qu'il est dur de voir la différence entre les jeux DS/3DS de DC sortis entre 2007 et 2014 : jamais les éditeurs n'ont tenté de créer un bon jeu, novateur, ou, dans tous les cas, avec un gameplay intéressant.
Ce problème de flemmardise est lié au fait que les éditeurs demandent ''un jeu Détective Conan par an pour faire de la publicité'', et non pas ''un bon jeu Conan pour fasse le buzz''. Les développeurs ont juste besoin de faire un petit jeu pour satisfaire les éditeurs, quitte à faire un jeu foireux, mal organisé et très peu jouable. Pour faire cracher leur argent aux fans, le comité éditorial demande à ce que des personnages ''qui font vendre'' apparaissent dans le jeu : Heiji Hattori et Kaitô Kid sont présents dans quasiment tous les jeux de la franchise... dans le seul but de faire vendre quelques jeux de plus. Et aucun jeu Détective Conan n'avait été produit dans l'optique de faire un bon jeu basé sur la série... jusqu'à février 2009.

Comme vous l'aurez sans doute deviné en lisant le titre de l'article, c'est de Conan & Kindaichi : Renconter par Chance de Deux Grands Détective que nous allons parler aujourd'hui. Sorti uniquement au Japon le 5 février  2009, il a fait l'objet d'une certaine couverture médiatique, grâce à son casting cinq étoiles. Parce que ouais, pour qu'il y ait une ''rencontre'', faut qu'il y ait deux personnes.

L'autre détective que l'on aura droit d'incarner dans le jeu est Hajime Kindaichi, un lycéen détective créé par Yôzaburô Kanari, héros de la série ''Les Enquêtes de Kindaichi'', qui faisait concurrence à Détective Conan dans la deuxième année des années 90. Kindaichi a eu son succès, et est rentré dans la culture populaire japonaise. Les deux détectives sont considérés comme les deux meilleurs détectives japonais de fiction au Japon, et il était donc normal qu'ils se rencontrent le temps d'un jeu-vidéo.

Mais dans la catégorie ''jeu-vidéo'', on peut discerner plusieurs types, dont par exemple les jeux de plateforme, de beat'em all, de fight, de RPG, et, un genre que les japonais affectionnent tout particulièrement, les visual novels.

Ces jeux sont semblables à ces livres en vogue en France dans les années 90, les ''livres dont vous êtes le héros''. Vous incarnez un personnage, et décidez de ses actions. Et dans ce jeu, c'est exactement ce que vous ferez.


A tour de rôle, le joueur peut incarner Conan Edogawa et Hajime Kindaichi. Tous les deux ont les mêmes facultés dans le jeu, à savoir parler à des gens (que ce soient vos amis, Miyuki, Ran, les Détective Boys, Kogorô, etc.), ou pour écouter les témoignages des suspects ou témoins oculaires, se déplacer, et accéder au carnet où tous les indices ou ''facts'' sont écrits.
 Le scénario est expliqué dès la première heure de jeu : sur une île au large du Japon, qui était auparavant une ville minière, des personnages ont commencé à disparaître. Misa Toba, une amie de collège de Kindaichi et Miyuki, leur a envoyé une lettre pour demander de l'aide au détective lycéen, en disant qu'elle sentait que quelque chose de mal allait arriver.
De l'autre côté, le professeur Agasa a lui-même des invitations pour se rendre sur l'île, et il invite tout le casting ''de base'' de la série, à savoir Conan, Haibara, les Détective Boys, Ran et Kogorô.

A partir de là, il suffit de suivre l'histoire, et de bien lire les dialogues : le jeu étant un visual novel, il ne faut pas du tout s'attendre à avoir des séquences de jeu. Il y a certes quelques phases en skateboard proposées, mais elles durent une minute chacune, et ne sont là que pour agrémenter le cœur du jeu : son scénario.

Digne d'un roman Détective Conan, le scénario est bien ficelé et très agréable. On suit l'histoire de Kindaichi et de Conan en parallèle, en incarnant tour à tour chacun de des détectives. La première heure de jeu est dédiée à Kindaichi, l'heure suivante Conan, et on alterne comme cela durant la vingtaine/trentaine d'heure de jeux qu'offre le jeu-vidéo, jusqu'à finir le jeu du côté de Kindaichi et du côté de Conan, qui coopèrent une ultime fois pour résoudre l'affaire des disparitions.

Mais malgré toutes les éloges que l'on peut lui faire, le jeu a aussi ses points faibles.

Le scénario a beau être très intéressant (et a dû demander énormément de travail au scénariste), il est aussi relativement lent. On aimerait pouvoir sauter quelques dialogues légèrement inutiles, mais c'est impossible : il faut tout lire, pour être certain de ne rien rater, et pouvoir répondre aux ''questions détectives'' posées par le jeu au joueur.
 Toutes les heures environ, le joueur doit répondre à une question. Si vous avez passé une conversation sans tout bien retenir, il vous est impossible de répondre à la question, et vous devez donc répondre à la question au hasard. Plus vous faites d'erreur, plus votre ''Jauge de Détective'' baisse. Lorsqu'elle arrive à zéro, c'est le game over, et il faut reprendre le jeu à partir de votre dernier checkpoint. Rien de bien alarmant cependant, la plupart des questions sont faites pour que vous puissiez y répondre (''Qui est la gérante de l'hôtel ? Réponse A : Ran Mouri, Réponse B : Kindaichi, Réponse C : Toba Misa, Réponse D : La personne à qui vous parlez en ce moment'')... et aussi sympathique que ces petits quizzs puissent paraître, ils ne le sont pas réellement.

Même en répondant juste à la question, cela n'influencera en rien le scénario, qui ne fera que continuer sur sa voie. Ensuite, ces petits moments de déductions où le joueur est sollicité font réellement pitié par rapport aux autres jeux de la série. Phantom Rhapsody, le dernier jeu Conan sur 3DS, possédait un système de déduction plus élaboré (on pouvait regarder le carnet de notes de Conan, envoyer des ''attaques déductives'' sur l'adversaire, etc.), et c'était aussi un visual novel. De même pour Enquête à Mirapolis sur Wii, qui avait développé un système ''d'enchaînements de preuves'' amusant et intéressant à la fois. Là, l'intérêt est vraiment limité.

Le deuxième point faible du jeu, c'est sa lenteur. Point commun entre énormément de visual novels, le jeu est lent, très lent. Les jeux de ce type sont réputés pour être lents : étant donné le coût assez énorme des jeux sur le marché (comptez 60€ pour un jeu, ça fait assez mal), les développeurs de visual novels essaient toujours de faire un jeu le plus gros possible. Il peut y avoir deux effets : ou le jeu devient plus long, et le rythme est assez soutenu pour garder le joueur en haleine, ou le jeu devient plus long, et le jeu est plus long, mais le rythme déraille et devient assez horrible. C'est le cas de ce « Conan & Kindaichi ».
 La même critique avait été adressée au film 17 à l'époque où nous en avions fait la critique : en voulant étaler sur une longue longueur un scénario qui pourrait être étalé sur une plus petite longueur (et être aussi intéressant), le scénario trop étalé devient mal réglé, et l'on se retrouve à jouer pendant deux heures en n'ayant aucune information sur le meurtre d'une femme tombée d'un phare, aller aux toilettes, démouler un bronze, revenir, jouer trois minutes, et soudainement faire un pas de géant dans l'affaire. On alterne non-seulement entre Conan et Kindaichi, mais aussi entre ''heures où l'on collecte des témoignages à peu près inutiles'', et ''heures où se trouve la moitié du scénario''. C'est tout de même dommage.

Ce que l'on peut acclamer, cependant, c'est le sentiment de voyage autour de l'île, qui lui, est bien réel. On peut se déplacer dans différents endroits de l'île en un simple coup de stylet (le musée de la ville, les ports, le phare, l'auberge, la rue marchande, l'autre bout de l'île, le trou, etc.). Le problème dans cela, c'est qu'étant donné que le jeu est un visual novel et non un jeu d'aventure comme Enquête à Mirapolis, on ne peut pas déplacer librement Conan avec la croix directionnelle. L'environnement n'est pas un environnement en 3D, mais des images fixes : on choisit le lieu où on veut aller, et une fois arrivé, parler aux personnes présentes ou inspecter le lieu avec l'écran tactile. C'est élémentaire, mais cela fait tout de même plaisir de pouvoir enquêter soi-même sur une affaire. L'ambiance du jeu se rapproche plus de Kindaichi que de celle de Conan (des détectives sur une île éloignée et où toutes les communications sont coupées, c'est Kindaichi), mais on peut tout de même se voir dans un épisode de Conan tel que ''La Sonate au Clair de Lune''.

Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, le premier défaut que l'on remarque dans le jeu, c'est l'absence totale de bonnes musiques. Alors que l'on s'attendrait à entendre de la musique Détective Conan dans un jeu Détective Conan (et de la musique Kindaichi), nous n'avons là ni le thème de Kindaichi, ni le thème de Conan. Même ''La Légende du Trésor de l'Île à l'Etrange Rocher'', sorti en 2000 sur GameBoyColor, possédait au moins le thème principal de la série sur son écran titre. C'est bien dommage, la DS aurait été largement capable de diffuser des musiques des deux séries.


Même le jeu sur GameBoy Color. Même lui.


A la question ''Ce jeu Détective Conan est-il bon ?'', on ne peut que répondre oui. Malgré ses défauts tels que sa lenteur, propre aux visual novels, et une certaine répétitivité, le jeu reste bon, et un fan de ce type de jeu ne peut qu'être ravi d'un tel jeu Conan. Mais à la question ''Ce jeu est-il le meilleur jeu Détective Conan ?'', c'est une toute autre histoire : en terme de scénario, on a déjà vu bien plus complexe. ''Détective Conan : Prelude from the Past'', par exemple, avait un scénario globalement meilleur et qui se tenait mieux ensemble. Là, même si toute l'histoire est bien arrangée et assez fluide, il manque quelques petites choses pour en faire ''LE'' scénario de jeu-vidéo Conan que les fans attendaient.

Un jeu lent et légèrement répétitif, mais aussi agréable et plaisant. Et aucun caméo d'Eisuke. 7/10.