Article 69 : Pourquoi les films Conan, c'était mieux avant

Bonjour à tous et à toutes, Conan-patriotes !
Les films Détective Conan, c'est toute une institution. Bons, mauvais, on les a vus, vus et revus au fur et à mesure des années, et toute sortie du nouveau film chaque année est devenu un moment sacré.

Mais malgré l'enthousiasme que portent les fans de la série aux longs-métrages animés, une critique revient sans cesse : lorsque l'on visionne les films du premier (Le Gratte-ciel infernal) au dernier (Les Tournesols de la flamme infernale), on remarque très souvent une chute dans la qualité des films. Quelque chose manque à certains, quelque chose qui insufflait une certaine ''vie'' aux premiers films de la franchise animée, considérés de nos jours comme des chefs d'oeuvre.
 Si pour certains optimistes, il n'y a jamais eu de chute de qualité, et que tous les films Détective Conan sont tous aussi excellents que le 3 (Le Dernier magicien du siècle), le 4 (Mémoire assassine) ou le 5 (Compte à rebours au Paradis), une grande majorité des fans occidentaux ont remarqué qu'une fois les sept ou huit premiers films passés (voir cinq ou six premiers pour les plus critiques), les films Conan ont connu des très hauts... mais aussi des très bas. Et lorsque l'on se demande « Pourquoi les films Conan ne font-ils plus des sans-fautes comme avant ? », on ne peut que trouver plusieurs réponses au problème.

Tout d'abord, les premiers films Détective Conan, disons les films 1 à 6, ont tous été réalisés par animation cells, c'est-à-dire dessinés par des humains, image par image, pour ensuite être assemblés. Ces dessins faits à la main donnaient un certain côté ''manga'', que l'on reproche parfois aux films suivants d'avoir perdu : le film 8 (Le Magicien du ciel argenté) a beau être assez agréable à regarder, il est généralement considéré comme « moins beau » que le film 5 ou le film 6 (Le Fantôme de Baker Street), parce qu'il n'est pas dessiné à la main.
 Mais ces dessins à la main ne donnent pas juste généralement un rendu visuel meilleur, mais aussi une ambiance différente, qui, peu importe le scénario devant nos yeux, nous renvoie au manga, et aux dessins d'Aoyama. C'est d'ailleurs de là que provient le succès des l'étape d'animation de Détective Conan 3.5, celle que nous avions baptisée « des traits noirs » : au lieu de tout dessiner par ordinateur et bien montrer que les dessins ont été faits par ordinateur, l'étape d'animation 3.5 simule un style plus ''manga'' en grossissant les traits, et se rapproche ainsi plus des premiers films.


Les traits noirs permettent non seulement de revenir à un look plus "manga" de la série,
mais aussi aux coloristes de coloriser plus précisément les images, et créer 
un rendu visuel final de qualité supérieure


 Qui plus est, et c'est un élément qui a rebuté même les Japonais les plus candides, la 3D n'a jamais été extrêmement bien réussie dans les films Détective Conan. La production de DC s'y était essayée dans le film 7 (Les Croisements de l'ancienne capitale, 2003), en modélisant en trois dimensions la moto d'Heiji. Résultat désastreux. Quelques années plus tard, la même expérience est tentée, mais dans le film 10 (Le Requiem des détectives, 2006). Une fois de plus, la 3D pique les yeux. 
 Le problème ne vient pas du fait que des éléments de 3D sont mélangés avec du dessin en deux dimensions, c'est là quelque chose qui est utilisé régulièrement dans beaucoup d'excellents animés Japonais. Non, le léger bémol de cette pratique est que le réalisateur des films Conan, qui s'occupe de la gestion du budget (embaucher tel dessinateur plutôt que tel dessinateur parce que son ancienneté fait qu'il est moins payé qu'un dessinateur plus vieux, ne pas utiliser des tablettes de dessin récentes pour les animations car elles coûtent plus cher à utiliser …), sait qu'il ne doit absolument pas faire de dépassement de budget, et réduit les coûts au plus simple. Les visuels des effets 3D sont donc pre-préparés par TMS Photo Studio (TMS étant le studio de production de Conan, et le Photo Studio le département qui s'occupe des animations 3D), au moindre coût, et envoyés au Studio A-Cat, qui lui prend les visuels et les transforment en réelle composite 3D... mais une 3D de mauvaise ou basse qualité, car TMS ne paye que pour le strict minimum. TMS payant le moins possible lors de la préparation des visuels en interne, et payant le moins possible A-Cat, les séquences en trois dimensions ont tendance à être de piètre qualités, et ne rendent bien que lorsqu'utilisées avec parcimonie, ce qui a été le cas du film 18, et, dans une moindre mesure, du film 19. Résultat des courses : les rendus 3D de qualité sont tellement rares, que nous l'avons même mentionné dans notre critique de l'opening 41.

De gauche à droite : modèle 3D foireux lorsque mis en mouvement sur un fond en 3D tout aussi foireux,
modèle 3D foireux sur un fond en 3D tout aussi foireux mais sur lequel est animé un Conan en 2D qui rend foireux,
et un fond foireux sur lequel est collé une moto en 2D, qui rend très foireux

Mais si l'on s'éloigne de tout ce qui touche au visuel, un autre problème est bel et bien remarquable dans les derniers films Détective Conan : leur OST.
 Alors que le compositeur des musiques des films Détective Conan, Katsuo Ôno, est toujours le même depuis Le Gratte-ciel infernal, quelques changements ont été opérés : les thèmes des cinq ou six premiers films, de nos jours devenus des OST mythiques de l'animation japonaise, ne sont presque plus utilisés dans les films à partir du film 11, 12 et 13. A contrario, Ôno (ou la production des films?) préfère multiplier les pistes, pour pouvoir ensuite écrire sur la jaquette des CD « 95 pistes sonores !!!!! ». Ces pistes ont beau être plus nombreuses, elles font toutes entre dix et trente secondes, et ne restent pas dans les mémoires, là où l'OST du film 5 (45 pistes), du film 4 (28 pistes), et du film 1 (17 pistes) auront eu tendance à bien plus nous marquer.
 C'est là un point faible en soi mineur, mais qui peut avoir d'énormes répercussions sur les films. Un filler sorti en 2015, au scénario mauvais et aux animations bousesques, sera tout de même bien plus apprécié s'il n'a du début à la fin que des remix des premières OST de la série. Il en va de même avec les films, comme le film 18, où nous n'avons pas forcément envie de réentendre la même piste sonore de 35 secondes en continu... surtout lorsque celle-ci est utilisée pour tenter d'embellir une scène ou une phase du film mal scénarisée.

Et les scénarios, voilà encore un autre problème.
 Bien que, comme beaucoup de paramètres mentionnés ci-dessus et ci-bas, chacun se fait son propre avis, on réussit, pour chaque film, à prendre la température de la majorité des fans. Alors que les cinq premiers films sont généralement vus comme des excellents films Conan, le film 17 a reçu des critiques bien plus nuancées, allant du « Nul » eu « Bon », en passant, surtout, par le « Décevant » et « Ennuyeux ». Il en va de même pour le film 19, qui aura réussi à séduire certains des fans du gentleman cambrioleur, mais pas la communauté tout entière. Lorsque les deux films Détective Conan les plus critiqués de ces cinq, six ou sept dernières années ont tous les deux été écrits par le même scénariste, on a tendance à conclure que la capacité d'invention et d'écriture dudit scénariste est limitée. D'autant plus lorsqu'un des deux seuls fillers qu'il a scénarisés portent sur le vol d'un paquet de cookies au chocolat dont Ran est devenue addicte.
 Et si nous mentionnons ce tragique cas ici, c'est qu'il n'est pas isolé.
La production de Détective Conan marche par « trial and error », qui fonctionne de cette manière : l'on prend un scénariste. Tant qu'il réussit ou que les recettes des films sont bonnes, on le garde. S'il y a une baisse, on le change, et on garde le remplaçant jusqu'à ce qu'il se rate, plutôt que de donner une autre chance au premier scénariste qui a fait ses preuves. La suite des évènements pour les films Conan sont devinables : si le film 20 réussit une fois de plus au niveau du box-office, ce qui est plus que probable, Sakurai sera réembauché comme scénariste jusqu'à ce qu'il essuie un échec, ou que la production ait soudainement envie d'embaucher quelqu'un d'autre... ce qui, lorsque l'on a un scénariste qui réussit à faire des scénarios simplets mais qui marchent au box-office, a peu de chances d'arriver.


Le film 19 est un exemple parfait d'un scénario mauvais, mais avec lequel le scénariste
a réussi à tirer son épingle du jeu en utilisant des personnages populaires

 Cette technique du « trial and error » a plusieurs répercussions : si le scénariste choisi lors de la phase « trial » est bon, les fans sont garantis d'avoir un scénario ''bons'' pendant un certain temps, ou, dans tous les cas, un scénario meilleur que si certains autres scénaristes avaient été aux commandes. Si après le « trial », le scénariste réussit, il est réembauché, et cela permet d'avoir un très bon scénariste aux commandes pendant longtemps. Mais s'il échoue et fait « error », un autre scénariste, souvent plus mauvais (Kôchi étant le seul scénariste de fillers et films Détective Conan à très bien connaître et maîtriser l'univers de la série et ses personnages), prendra le relais, et gardera son poste plusieurs films, jusqu'à ce qu'il échoue à son tour. C'est ce qu'il s'est passé avec Kashiwabara (à l'origine du terrible film 11, Jolly Roger et le cercueil bleu azur), et les films 17 et 19, connus pour leur qualité très faible. Ce système ne donne donc pas de places pour d'autres scénaristes très expérimentés (Kôchi et Miyashita, pour ne citer qu'eux), et le film 20 se retrouve scénarisé par Sakurai.
 Mais si nous cherchons à relativiser, nous pouvons aussi remarquer que même dans des mauvais scénarios (ceux du film 17 et du film 19, pour ne citer qu'eux), on peut trouver certains bons éléments... bons éléments que l'on trouvait aussi dans les premiers films de la série. Mais quels sont-ils, exactement ?

Si nous nous souvenons tous du film 2, La Quatorzième cible, ou du film 5, Compte à rebours au Paradis, c'est que ceux-ci ont un bon scénario. Mais un scénario n'est pas seulement ''bon'' car il contient de bonnes idées, mais parce qu'il contient plusieurs éléments scénaristiques qui permettent aux spectateurs d'adhérer à l'intrigue. Et c'est totalement le cas du film 4, par exemple : alors que dans les nouveaux films, le scénario est linéaire, les personnages vont du point A au point E en passant par des péripéties B, C et D tirées par les cheveux, déjà vues ou qui n'apportent rien de plus au film que de combler quelques minutes, les anciens films de Conan avaient une forme de prise de risque. Tout n'était pas si linéaire, des risques étaient pris par le scénariste, afin de donner une raison d'être au film, qui n'est pas là juste pour faire de l'argent en faisant croire à une toute nouvelle aventure : dans le film 2, le scénariste nous laisse découvrir une partie de l'enfance de Ran. Dans le film 4, le scénariste permet à Ran d'être amnésique. Dans le film 5, le scénariste permet à Gin et Vodka de traquer Sherry. Dans le film 6, le scénariste permet à Conan et aux autres personnages de se retrouver dans le Londres du XIXème Siècle. Voilà des éléments qui nous donnent une raison d'apprécier le film : le contenu présenté n'est pas juste « encore une nouvelle aventure de Conan », mais UNE des aventures de Conan. C'est pour ces prises de risques qui font sortir les films de l'ordinaire et du lot (pourquoi se souvenir du film 5, et pas du film 11?), que les premiers films Conan sont considérés comme faisant presque partie du canon de la série, ou étant un des piliers majeurs de la série, alors qu'ils n'ont jamais même été référencés dans le manga.


Compte à rebours au Paradis reste dans les esprits comme un des piliers de la série,
ainsi qu'un des meilleurs moments du petit détective, grâce à un scénario efficace, multi-trames, et qui préférait
prendre des risques avec ses personnages plutôt que de rester dans la linéarité des films suivants


 Prenons des exemples récents : le film Détective Conan qui a le plus enthousiasmé les fans depuis le film 17 n'est ni le 17 ni le 19, mais le 18. Et pourtant, l'élément le plus apprécié du film 17, ou qui, dans tous les cas, provoque l'admiration des détracteurs de Sakurai, est la larme que verse Conan à la fin du Détective Privé en mer lointaine. Le film a beau être mal scénarisé et mal rythmé, faire pleurer Conan était une prise de risque, et ça s'est remarqué.
 Le film 19 a été un échec sur ce point-là, car en plus d'être presque aussi plat que le film 17, il ne disposait pas réellement de scènes « prises de risque » de la part du scénariste. Même la tentative de survie de Conan sous l'eau à la fin du film n'était ni prenante, ni une prise de risque, car elle avait déjà été vue dans le film 15. Le film 18, qui prend le risque de faire apparaître une histoire de fond avec le FBI, qui prend le risque de faire un lien avec le manga et qui prend le risque de faire Masumi se faire tirer dessus, ne peut que sortir du lot à côté des films 17 et 19.
 Cela ne signifie pas non plus qu'il suffit de faire sortir les prochains films Détective Conan du lot grâce à une ou deux scènes imprévue ou particulièrement bien réalisée, pour que le film devienne un succès. Le film 7 s'y est bien essayé, en faisant apparaître Shinichi, mais le film ne sera pas resté dans les mémoires pour autant. Il en va de même pour le film 8, dont tout le bouche-à-oreille tournait autour de la pseudo-déclaration d'amour de Ran, mais qui sera surtout resté dans les mémoires pour contenir Kaitô Kid, et être relativement plat.

Et vous, Conan-patriotes, qu'en pensez-vous ? Les films Détective Conan peuvent-ils se rapprocher de la qualité qu'ils avaient avant ? Sakurai réussira-t-il à écrire un bon scénario pour le vingtième film de la franchise ?