Article 77 : Critique du film 20, "Le Cauchemar Noir de Jais"

Bonjour à tous et à toutes, Conan-patriotes !
Comme chaque année après la sortie en VOSTFR du film annuel de Détective Conan, nous lui consacrons un article : il s'agira aujourd'hui de faire la critique du film, de donner les bons points et les mauvais points, afin d'aboutir à une note sur 20.

Il est fortement conseillé de regarder le film 20 avant de lire cette critique. Le film est disponible en cliquant ici.


Le film 20 de Détective Conan, ça a été tout un hype. Depuis le premier trailer jusqu'au dernier moment de septembre où nous l'avons mis en ligne, tous les fans de la franchise ont retenu leur souffle pour savoir si ce qui avait été promis par la production à travers les trailers était du vrai (comme ce fut le cas en grande partie pour le film 16), ou du faux (comme ce fut le cas en grande partie pour le film 19).
Comme d'habitude, nous n'irons pas par quatre chemins : le film est peu plaisant, et d'une façon très nuancée. On parlera d'abord des bons points du film, et ensuite des mauvais.

Dans les bons points du film, nous pouvons tout de suite parler de la trame et de ses personnages.

Le film 20 a le même parti pris de l'utilisation de personnages « sensibles », ici Shûichi et Tôru, notamment. Ils sont intégrés dans la trame, et on a rarement l'habitude de les voir ailleurs que dans des épisodes qui font avancer l'intrigue principale. C'est donc un plaisir de voir des personnages souvent populaires à l'écran, faire des actions qu'ils n'auraient pas fait dans le manga (Bourbon qui conduit à 100 à l'heure une voiture sur l'autoroute, c'est clairement jouissif), et sans trop modifier leur caractère.


Le caractère du Bourbon du film 20 est le même
que celui du Bourbon que nous connaissons

Le film tient son engagement et plus encore à propos de Curaçao : elle a bien un rapport avec l'Organsiation, et qui plus est avec Rum. Il n'avait jamais été présenté aussi clairement que dans ce film, et ça fait bien plaisir de voir la connectivité entre les films et le manga se renforcer. Comme nous l'avons vu avec le film 21, le processus de rapprochement entre le manga/l'animé et les films bat son plein depuis le film 18, et va encore continuer dans les prochaines années.
Les personnages de la trame sont présents, mais sans trop tomber dans le fanservice. On n'est pas à un niveau du type « film 19 » ou Lupin III vs. Conan : Le Film, qui battaient certains records. Pas de Bourbon en short de plage en train de faire un câlin à Shûichi, donc.

Étant donné que le film a été scénarisé par le même scénariste que pour les films 17 et 19 (Takeharu Sakurai), nous étions en droit de nous demander si la cohésion entre l'animé et le film serait respectée. C'est ici le cas : on retrouve nos personnages favoris, Conan est bien Conan, Haibara est bien Haibara, rien ne cloche trop. Certes, le professeur Agasa est ridiculisé et ramené à l'état d'un gamin (on regrette les premiers films où, même s'il était un personnage sympathique, il restait un adulte qui pouvait être impliqué dans les affaires), mais on ne remarque pas de grosses altérations dans le caractère des persos, comme c'était le cas dans le film 19.
Ce progrès dans la qualité de la restitution de l'atmosphère est un bon point pour Sakurai, qui avait eu l'habitude jusqu'ici de nous donner sa propre interprétation de Conan, comme s'il n'existait aucune logique interne au caractère des personnages.

Enfin, le scénario a de quoi faire plaisir. Gin et Vodka sont là, on voit l'Organisation dans son élément, il y a des retournements de situation (lorsque Tôru et Rena sont ligotés dans le hangar), il y a une scène finale dantesque, bref, c'est du fun. Le décor, à savoir un parc d'attraction, est parfait pour mettre en scène un film spécial 20 ans qui a comme objectif d'être « énorme », d'être spectaculaire, de faire les choses à une échelle supérieure de ce que l'on a l'habitude de voir.


L'action est très présente, du début jusqu'à la fin, et permet d'assouvir pas mal de nos fantasmes de fans. Dans un autre registre, le film est le tout premier film Détective Conan à réellement taper dans la corde « tragédie » : le film finit sur une note bien sombre, lorsque Curaçao se sacrifie pour sauver les Detective Boys et les visiteurs du parc d'attraction. Jamais un scénariste n'avait osé faire cela dans les films de la série, et c'est un grand bol d'air frais qui fait bien plaisir.

Mais tout n'est pas rose dans le film non plus, et, comme nous allons le voir, c'est parfois (souvent) les aspects négatifs du film qui l'emportent sur le positif.
Le film 20 souffre de la même tare graphique que le film 19 : le budget donné par TMS (la société de production) à la prod des films est de plus en plus limité, ce qui se répercute sur la qualité des dessins. Le producteur est obligé de faire appel à des animateurs de piètre qualité, ce qui donne des horreurs telles que celles que vous pouvez voir [ici]. Bras de deux mètres, visages dessinés par votre petite-soeur de quatre ans, tout y passe.

Il n'est rien possible de changer à la dotation de TMS pour les films Détective Conan. Seulement, on se rend souvent compte qu'une utilisation subtile du storyboard permet de gommer les problèmes de budget. C'est ce que nous avons critiqué plusieurs fois dans les articles à propos des openings de la série : un épisode de Conan est souvent moche non pas à cause de la qualité des dessins, mais aussi et surtout parce que le storyboard fait absolument tout pour faire des plans qui ne mettent pas les personnages sous leur meilleur jour.

Le film tente de se rattraper sur ce point grâce à l'utilisation de la technique dite des « traits noirs », qui permet des images magnifiques, bien colorisées, et que l'on dirait presque tirées du manga. Il y a donc un véritable paradoxe visuel entre ces images à traits noirs tout à fait superbes et les centaines d'images moches que l'on se tape pendant tout le film.

Une autre critique très adressable au film est à propos de son scénario. Il est certes toujours agréable d'avoir une ou deux scènes d'action dans les films Conan (pensons par exemple au film 15, ou au film 13), mais le film 20 est composé à 50% d'action. Cela laisse trop peu de place à « l'enquête », trop peu de place à un film de ''détective''.

Dans le film, il n'y a ni suspects, ni enquête sur quoi que ce soit, juste un petit jeu de piste organisé comme un enchaînement de déductions plus fades les unes que les autres (« Oh, un téléphone, oh, un éclat de verre, oh, un carambolage, oh, elle sait faire des dérapages avec ses talons, AHHH EDOGAWA-KUN L'ORGANISATION APPROOOOCHE »). C'est bien beau d'appeler un film « Meitantei » Conan ; là, nous n'avons ni le mei, ni le tantei. Le long-métrage aurait pu s'appeler « Conan : Le Cauchemar Pas Si Cauchemardesque », que ça aurait été pareil.

Parlons-en, d'ailleurs, de ce « cauchemar ». La publicité du film jouait sur la couleur, en faisant comprendre qu'après avoir vu le film, on broierait du noir, étant donné la mort de Curaçao. Mais le fait est que l'histoire du film devait être, pour Conan, une des « pires crises qu'il ait eu à affronter », un moment cauchemardesque où tout était perdu.
Pourtant, non seulement Shûichi et Rei s'occupent de beaucoup (de tout?) dans le film, mais en plus, tout est bien qui finit bien. Personne n'est tué mis à part Curaçao, à laquelle nous reviendrons plus tard, les dégâts sont quasiment inexistants (puis bon, le parc appartient à l'entreprise Suzuki, on s'en fout de leur parc), bref, pas vraiment un « cauchemar ».

De ce point de vue-là, le film 18, qui s'était aussi autoproclamé comme « la pire crise que Conan ait eu à affronter », était bien plus honnête avec nous : Tôkyô était réellement en état de crise, Conan avait réellement du mal à arrêter le coupable, et le coupable était réellement sur le point de tout faire péter. « Réellement » ne décrit en rien le film 20 : tout semble faux, on sent la patte du scénariste qui a du mal à faire un scénario que l'on n'a pas déjà vu et revu deux cent fois dans Conan, tout est déjà mâché. Et c'est bien dommage, vu le potentiel de ce film.

Le potentiel du film, il essaie de s'exprimer à travers le personnage du Curaçao. C'est une agent de terrain redoutable, qui a visiblement appris ses techniques de double-saut chez les Tortues Ninja ; elle a un design convenable, et une histoire intéressante. Et pourtant, le scénariste ne trouve nulle autre façon de l'insérer dans l'histoire que de la faire devenir amie avec les Detective Boys, nulle autre façon que de la tuer à la fin, dans un éclair de stupidité. On aurait pu s'attacher au personnage si la prod du film avait eu l'audace de dire au scénariste « Bon, tu nous la tues pas, elle réapparaîtra dans le film spécial 25 ans de la série », et ça aurait été une énorme surprise. Là, rien.

Pour ne pas sombrer entièrement dans le cynisme (même si, avouons-le, ce film ne fait que nous tendre des perches), on peut dire que c'est grâce à Curaçao que nous avons une des scènes les plus puissantes, les mieux écrites, les mieux storyboardées de la série. C'est la scène de fin, juste avant le générique, où le corps de Curaçao est retrouvé. C'est du vrai, bon cinéma, et c'est une excellente fin pour un film Détective Conan.
Mais une scène, aussi bien faite soit-elle, ne peut pas sauver le reste du film. Lorsque l'on regarde de près, le scénario est tout à fait vide et linéaire, et prévisible. C'est une coquille vide, tant le scénario est une parodie des films Détective Conan : tous les passages « obligés » s'enchaînent, de l'introduction épique aux Detective Boys en voiture, au quizz d'Agasa, à la rencontre des DB avec le personnage important, au moment où ils décident de comploter contre Conan et faire une bourde, … tout y est.


Le film 20 est-il donc tout bon ? Non. Est-il tout mauvais ? Non plus. Est-ce qu'il est entre les deux ? Oui.
Coincé entre un scénario répétitif et déjà vu, et une volonté de faire quelque chose de frais et de spécial pour fêter les vingt ans des films de la série, le film 20 de Détective Conan est le parfait exemple de film où il faut déposer son cerveau à ses pieds, l'écraser au passage, et regarder le long-métrage sans se poser de questions. A un film moyen, une note moyenne de 10/20. 10 points en plus pour les traits noirs, la compétitivité Conan/Rei/Shûichi et une fin bien plus sombre que les autres films, mais dix points en moins pour la répétitivité, le côté « banal » du film, le manque complet d'enquête et une shônenisation à n'en plus pouvoir. Nous ne pouvons qu'espérer que Sakurai, qui ne scénarise déjà pas le film 21, n'écrira plus rien pour Détective Conan. 

Mention : Genta aurait pu crever ! :D