Article 83 : Le Plan des éditeurs pour 2018

Bonjour à tous et à toutes, Conan-patriotes !
Depuis aussi longtemps que l’on puisse s’en souvenir, le Kudo Project a toujours été très attentif afin de discerner le plan des éditeurs. Après avoir écrit une dizaine d’articles sur eux, nous montrerons aujourd’hui que, pour garder la franchise Détective Conan à flot, ils ont mis en place une stratégie de revitalisation de la série qui va se poursuivre toute cette année, à base de mangas, goodies, et autres.

Commençons par rappeler, pour ceux qui ne nous suivraient pas depuis six ans, que le système de publication de mangas est bien différent au Japon qu’en France : alors que chez nous, l'oeuvre appartient à son dessinateur, et la maison d’édition n’a pas à faire pression sur le dessinateur, ce n'est pas le cas au pays du soleil levant.
Au Japon, le manga n’est pas considéré tant comme un art, que comme une vache-à-lait économique. L’éditeur, c’est l’homme (ou la femme, mais l’homme dans le cas de Détective Conan) qui travaille conjointement avec le mangaka pour lui souffler des idées qui vendent bien, pour lui demander d’insérer tel ou tel type de personnage, ou de participer à des évènements autour de la série. L’éditeur, c’est le deuxième scénariste de la série : c’est à lui que l’on doit la création de Kazuha Tôyama, que Gôshô n’avait pas prévue, mais aussi de l’animé, de la présence de l’Organisation dans le film 13, de Masumi Sera dans le manga, etc..

Il y a un éditeur particulier pour Aoyama (il y en a eu au moins trois depuis le début de la série), et il y a un qui s’occupe de la gestion de l’animé et des films.

              Ces éditeurs sont là pour s’assurer que la franchise Détective Conan continue de se vendre. L’objectif étant de toujours vendre plus, les deux éditeurs déterminent conjointement, avec l’aval de l’éditeur général, les stratégies marketing de la série : en bref, dans quel sens elle va.

              Et il se trouve que depuis qu’Aoyama a arrêté de dessiner Conan en fin 2017, la question de la direction de la franchise est une question centrale. Si Aoyama s’arrête définitivement, que faire de cette série inachevée ? Le film 22 était censé avoir son prologue dans le manga, comment le sortir en avril si le manga n’a pas repris d’ici-là ? Et si Conan ne sort plus, les ventes du Shônen Sunday (le magazine qui publie Conan chaque semaine) risquent de s’effriter.
En bref, il y a un danger. Et les éditeurs sont là pour s’assurer que le navire ne coule pas : il faut sauver le soldat Conan.


Le machiavélique éditeur d'Aoyama en compagnie de l'équipe de production des films Détective Conan (photo BuzzFeed 2017)


              Au KP, et ce depuis le début, nous avons attaché une grande importance à trouver des indices pour déceler ces plans des éditeurs. En effet, ces plans ne sont pas publics, ils sont confidentiels et ne circulent qu’entre très peu de mains à la maison-mère Shôgakukan. C’est par un travail d’amassage d’informations, d’interprétation statistiques et de déduction que nous pouvons deviner ce qui se trame pour la série dans les couloirs des éditeurs.

              Nous pouvons tout d’abord partir d’un constat simple : Conan est la série la plus populaire du Shônen Sunday. 
Deuxième constat : le Shônen Sunday n’a quasiment aucune autre vedette.
Troisième constat : depuis le premier trimestre de 2014, le journal a perdu un quart de son lectorat, passant de 400 000 ventes à 300 000 (contre plus de 900 000 pour son concurrent principal).

Ainsi, l’arrêt – même provisoire – de Détective Conan est une catastrophe pour le Shônen Sunday, qui peinait déjà à rester à flot.

              Qui plus est, un grand danger se profile : la santé d’Aoyama ne semble pas aller mieux (rappelons cet article publié il y a déjà trois ans), et le film 22 sort bientôt alors qu’il devait y avoir dans le manga des affaires avant sa sortie afin de préparer, accoutumer, au film 22. C’est sans mentionner le fait le plus inquiétant de tous, sur lequel nous reviendrons dans la KudoAnalyse dédiée : alors que nous sommes à 4 ans du début de l’Arc de Rum et que, à la vitesse actuelle, celui-ci devrait durer encore trois/quatre années, la trame s’est subitement accélérée du tout au tout depuis l’an dernier, avec la résolution d’une des plus grandes trames parallèles de la série (cliquer ici), et en décidant, d’un coup, à la file 1008, de lâcher la plus grosse révélation de l’histoire du manga (cliquer ici à vos risques et périls).

Ceci laisse donc présager du pire. Pour les éditeurs, la série est en train d’aller trop vite, alors qu’ils ont depuis toujours intérêt à ce qu’elle aille très longtemps (rappelons que l’arc parallèle Serakai a en réalité été commandé par les éditeurs, ce qui a rallongé le manga d’au moins 200 chapitres, soit quatre ans) ; et pire, elle fait s’essouffler le magazine qui avait tant besoin d’elle.

              Nous avions décrit le Plan 2014, qui était un plan de boost de la série, et qui avait conduit à des ventes records, des bénéfices records, un film record, et une production de produits dérivés record. Cette nouvelle vague avait donné une impulsion énorme à la série, et le manga avait très rapidement résolu des mystères, avait gagné en qualité et en dynamisme, et était passé à l’Arc de Rum.

Il faut garder en tête que le plan 2017-2018 n’est pas un tel plan : c’est cette fois un plan de sauvetage, où l’objectif est de sauver les meubles.

La stratégie des éditeurs pour fin 2017 – début 2018, et peut-être même fin 2018, est de continuer à faire vivre la série sans le support d’Aoyama. Quelques objectifs :

  1. Création de produits dérivés comme jamais il n’y en a eu pour un film Conan.
  2. Hyper au maximum le film 22 grâce à, en partie, ces produits dérivés, afin de dépasser le record du film 21 en termes de box-office.
  3. Publier des mangas qui comblent le vide de la série.
  4. Capitaliser sur le thème de la trame principale.


              Ainsi, et ce depuis un mois environ, un incroyable flot de produits dérivés est disponible au Japon. On a droit à des peluches Amuro, des montres Amuro, des peluches Kazami, des agendas, des stylos, des trousses, des badges, de la nourriture, des posters, des artworks promotionnels ; de tout, très divers, et plus que les années passées. Nous postons des photos de ce merchandising sur notre page Facebook au jour le jour.
Le film 18 avait inauguré ce grand flot, dépassant le film 17 qui avait été relativement peu prolifique de ce point de vue-là (même si on se souvient avec émotion des caleçons Conan). Le film 22 le continue et l’expand.


Le merchandising du film 20 avait déjà été exceptionnel. Celui du film 22 l'est encore plus.


Ce qui est très intéressant avec des goodies, c’est que ce ne sont pas que des goodies du film 22. S’ils l’étaient, ils seraient mis hors-circulation quelques mois après la sortie du film 22, ce qui amoindrirait les bénéfices. Le merchandising du film 22 a ceci d’intéressant qu’il mélange produits dérivés basés sur le film (tous les produits Rei/Kazami/Kuroda), mais aussi des produits dérivés qui n’ont pas grand-chose à voir avec le film, mais tout à voir avec la série, ou les films précédents : on a ainsi une illustration de promotion du film 22 où l’on trouve non-seulement Shûichi, mais aussi Heiji et parfois Kazuha, qui n’ont, normalement, rien à faire là.


Comment promouvoir en une affiche le film 22, le manga, la trame principale du manga, l'animé, Magic Kaito, le film 21 et l'adaptation en manga du film 21

              Ensuite, le film 22 est hypé comme jamais un film Conan l’a été. Les films Conan, et ce depuis le film 15, sont dans une courbe ascendante où chaque film bat le précédent (on vous invite à regarder notre rubrique Statistiques). Bien que l’équipe de la production de l’animé a affirmé penser, dans une interview, que le pic était atteint et qu’ils ne pourraient espérer plus, la boîte de production des films Conan (TMS) en attend beaucoup de sa franchise phare. Le film 20 a propulsé la franchise au rang de blockbuster et est devenu le 16ème film d’animation qui a fait le plus de bénéfice au Japon ; le film 21 l’a battu d’un million ; le film 22, ils espèrent, devraient faire de même. En plus des panneaux d’affichage géants qui sont mis dans les gares japonaises, un matraquage publicitaire va être mis en place, et nul doute que des dépliants ou contenus manga seront mis en vente pour teaser le film.

              En parlant des contenus manga, voilà le grand défi des éditeurs, le plus ardu et à la fois le plus sécurisé. Conan est avant tout un manga papier, il fallait donc aux éditeurs de combler les trous.
On sait fort bien que les assistants d’Aoyama, dont notamment Yutaka Abe, savent imiter à merveille le style d’Aoyama. C’est pour cela que, afin de faire des bénéfices supplémentaires et d’être présents dans l’autre gros magazine de Shôgakukan, le Shônen Sunday Super, les éditeurs ont demandé à Yutaka Abe et son confrère Denjirô Maru d’adapter les films Détective Conan en manga.
Alors que ceci devait être une tentative exceptionnelle au début, les éditeurs ne demandant à Abe et Maru de n’adapter que les mangas qui risquaient de se vendre le mieux (film 13, film 3 et Lupin III vs. Conan ont été les premiers dessinés), les ventes des adaptations en manga ont été telles qu’il semblerait qu’ils aient décidé il y a un an d’adapter tous les films de la série.
Ainsi, après que les éditeurs ont fini de faire dessiner le film 5, ils ont fait dessiner le film 20 (dont le deuxième tome est sorti le 18 décembre 2017), puis ils dessineront le film 21, etc..


A gauche, l'adaptation en manga du film 20 ; à droite, celle du film 5. Article sur le sujet ici.

Aussi, et ce depuis quelques mois, les éditeurs ont recommencé à éditer en masse des animangas. 
Les animangas sont les adaptations papier de l’animé : on prend des captures d’écran de l’animé, puis on en fait un manga, généralement fort épais et plus cher que la moyenne des mangas japonais. Afin de préparer le film 22 et de garder les gens hypés, les éditeurs ont ainsi sorti à la fin de l’an dernier l’Episode ONE version animanga, puis des affaires telles que La Nocturne des Détectives (18 décembre), et, le 16 février, le Mystery Train. Les plus récentes nouvelles de Shôgakukan indique qu’un animanga sur Scarlet Return sortira le 11 avril.


De gauche à droite, dans leur ordre de parution, l'animanga Episode ONE, puis Nocturne des Détectives, et enfin Mystery Train.

Tout au long de l’année 2018 sont aussi d’ores et déjà prévu par Shôgakukan Junior la sortie de livres d’histoire Détective Conan, couvrant toute l’histoire du Japon du début jusqu’à de nos jours. Ces livres sont dessinés par l’autre équipe d’assistants d’Aoyama.

              Il y a ainsi une volonté visible de continuer à faire vivre la licence malgré le retrait provisoire de l’auteur principal. Il ne serait pas étonnant que l’adaptation d’affaires de l’animé se poursuivent tout le long de l’année afin de rattraper petit à petit les ventes potentielles perdues par l’absence d’Aoyama.
Cela ne résout cependant pas un problème majeur : avec sa révélation de la file 1008, il semblerait qu’Aoyama ait décidé de mettre un énorme coup d’accélérateur dans le trame. Alors que l’on avait théorisé que la confrontation de fin d’arc de l’Arc de Rum déboucherait sur l’Arc d’Ano Kata, Gôshô se jette directement à l’eau alors qu’il n’a encore rien résolu pour Rum, ce qui entremêle deux intrigues et donne une impression de bâclé. Mais, si Aoyama souhaite en finir définitivement avec Détective Conan, ce sera aux éditeurs de préparer un nouveau plan…

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