Détective Conan épisode 11 : L'Affaire du crime à la Sonate au clair de lune

L’épisode 11 de Détective Conan est sorti le 8 avril 1996 et s’appelle « Meurtre à la Sonate au clair de lune ».
Il est tiré des files 62 à 67 (vol. 7), et est storyboardé par Kenji Kodama et Kuchiru Kazehara. Les directeurs d’animation sont Masatomo Sudo et Hirotoshi Takaya.


Kogorô a été invité sur une île éloignée par un homme appelé Keiji Asô, qui a payé le voyage pour lui, Conan et Ran. Une fois arrivés sur l’île, ils apprennent que Keiji Asô, un pianiste mondialement connu, est mort il y a douze ans. Une nuit de pleine lune, après avoir joué du piano à une cérémonie en mairie, il s’est enfermé dans son manoir avec sa famille, l’a tuée au couteau, et y a mis le feu. Il a continué à jouer pendant que sa maison brûlait la Sonate au clair de lune de Beethoven.

Kogorô, Conan et Ran décident d’aller parler au maire, les appels du prétendu « Keiji Asô » l’ayant mentionné. Ils croisent sur la route Narumi Asai, une docteure venue de Tôkyô, qui les guide. A la mairie, Conan découvre une pièce avec, au centre, un piano – un employé leur explique que c’est un piano maudit. C’est celui sur lequel Asô a joué sa dernière partition avant de mourir, et c’est aussi le piano sur lequel est mort l’ancien maire de l’île il y a deux ans.

Pendant la cérémonie des deux ans de la mort de l’ancien maire, la Sonate au clair de lune retentit. Conan se précipite vers la salle dans laquelle trône le grand piano au centre de la pièce. S’y trouve Kawashima, un des candidats à l’élection municipale, mort. A ses pieds, des flaques d’eau indiquant que son cadavre a été traîné depuis la mer, toute proche.

Kogorô décide qu’ils dormiront dans la pièce en question. La docteure Narumi Asai reste dormir avec eux après leur avoir apporté à manger, ainsi que le policier de l’île. Le lendemain matin, lorsque Kogorô se réveille, l’inspecteur Megure, dont l’île relève de la juridiction, est déjà sur place. Alors que la police interroge tous les suspects (les 38 personnes qui étaient à la cérémonie des deux ans du décès du précédent maire), le deuxième mouvement de la Sonate se déclenche, et Conan trouve, dans la salle de diffusion, le maire, mort.

La police commence son enquête sur ce nouveau lieu de meurtre, et découvre, au sol, un bout de partition. Conan comprend que c’est un message codé : il faut attribuer à chaque note une lettre qui serait apposée sur les touches du piano, de gauche à droite. On lit ainsi « Vous êtes le prochain sur la liste ».

Quelques heures plus tard, c’est au tour de Nishimito d’être retrouvé mort. Il laisse derrière lui une note disant qu’il a tué les deux précédentes victimes. Conan comprend qui était derrière le meurtre, et endort Kogorô.

Il révèle la vérité : la meurtrière est Narumi Asai. Elle est en réalité un homme qui s’est déguisé en femme pour venger les hommes qui ont tué sa famille. Le maire, Nishimoto, l’ancien maire et le candidat à la mairie étaient en réalité les responsables d’une entreprise souterraine internationale de vente de drogue, qui utilisait son père comme façade pour leur juteux business. Seiji, de son vrai nom, c’est donc déguisé en femme pour venger sa famille sur l’île.

Mais alors que Megure ordonne à ses policiers d’arrêter Seiji, tout le monde se rend compte qu’il a disparu. Conan le retrouve à la mairie, qui est en train de partir en flammes. Au milieu du feu, Seiji joue la Sonate au clair de lune. Conan va vers lui pour lui expliquer que son père lui avait laissé une partition codée pour lui expliquer ce qu’il s’était passé, mais Seiji refuse et se donne la mort en jouant une dernière musique. Conan ne révèle à personne que la musique était codée et signifiait « Merci, petit détective ».

I – Graphiquement

L’épisode 11 est le premier épisode de quarante-cinq minutes de Détective Conan. Si nous reviendrons sur les conséquences scénaristiques de ce choix, attardons-nous ici sur la dimension graphique de la production d’un épisode de quarante-cinq minutes.

Tout d’abord, il nécessite plus d’animateurs que pour un épisode de vingt-quatre minutes. La production de l’épisode suivant doit également être lancée. Autrement dit, des animateurs qui travaillent rarement sur la série, et qui donc maîtrisent moins le dessin des personnages, sont engagés. Pour éviter que la qualité de l’épisode ne s’en ressente, l’équipe de production met sur l’épisode deux directeurs d’animation : Masatomo Sudo, un des maîtres-fondateurs de la série, et Hirotoshi Takaya, dont c’est là la première contribution à la série.

Le choix de Sudo était tout trouvé pour un tel travail. Faisant partie de l’équipe qui a défini la direction graphique de la série lors de la pré-production (fin 1995), il était à cette époque probablement le mieux placé pour travailler sur un tel épisode. Le choix de Takaya est cependant plus étrange, étant donné qu’il n’avait jamais travaillé sur la série. Les deux styles réussissent assez bien à se mélanger, de telle sorte que le spectateur lambda ne pourra pas remarquer que le plan p+1 a été dirigé par Sudo, et le plan p+2 par Takaya. L’analyste attentif pourra cependant remarquer les changements de direction : le trait de Takaya est plus grossier, moins précis, et moins « on-model » (proche du modèle – autrement dit, proche de ce à quoi le personnage est censé ressembler) que celui de Sudo. Rien de bien dérangeant, ceci dit, car seuls les plus attentifs le remarqueront.

Comme dans la plupart des épisodes de la série, les décors sont assez jolis. La différence entre les décors des premières saisons de la série et des saisons suivantes est leur nombre. L’épisode 11 est un exemple parfait d’épisode qui a nécessité beaucoup de décors différents, et donc coûté cher à l’équipe de production de l’animé, sans que cela ne pose problème. Or, avec la compression des budgets de Détective Conan dans les années 2010, la possibilité de multiplication de somptueux décors s’est amenuisée.

Tout n’est cependant pas rose. Le plan final montre un bateau de croisière avec Conan, Ran et Kogorô voguant au loin. L’animation de l’eau sur ce plan est très mauvaise, surtout si on la compare avec les animations d’eau que l’équipe de production de l’animé réussit à faire depuis la digitalisation de l’animation de la série dans les années 2010.

II – Scénaristiquement

L’épisode 11 est un de ces épisodes fondateurs de Détective Conan. C’est la première « grosse » enquête de Shinichi depuis qu’il est devenu Conan, et elle a été considérée par beaucoup de fans, notamment ceux qui ont découvert la série avec la saison 1, comme une des affaires « piliers » de la série. Comme nous le montrerons les épisodes 52 et 78, l’affaire de la Sonate au clair de lune a un impact tout particulier sur la psychologie de Conan, qui s’en veut de ne pas avoir empêché Asô de périr dans les flammes. Les années de fanfictions Détective Conan cumulées auront fini d’achever cette trope de la série.

L’épisode 11 est aussi peut-être le premier épisode de la série à essayer de prendre le spectateur par les tripes. Et il y réussit, car la révélation de fin d’épisode est bouleversante pour le spectateur qui ne s’y attend pas. Cela fait de l’épisode 11 un épisode incontournable de la série, quand bien même il est, en termes de technique, de scénaristique et d’ambiance, inférieur à bien d’autres affaires de DC.

La décision de l’équipe de production d’adapter ces chapitres du manga en un épisode de quarante-cinq minutes était très bonne. L’affaire de la Sonate au clair de lune est de ces affaires qui s’apprécie le mieux lorsqu’elle est suivie du début jusqu’à la fin d’une traite. Diviser l’affaire en deux épisodes aurait été un gâchis scénaristique, que l’équipe de production a sagement réussi à éviter.
La création de cet épisode de quarante-cinq minutes avait très probablement un autre objectif, qui était de faire connaître Conan du grand public. Lorsque l’épisode 11 de la série sort, l’animé Détective Conan est encore tout jeune (il est n’est diffusé que depuis quatre mois), et sortir un épisode d’une heure permet de remplir deux créneaux de diffusion télévisée. Autrement dit, réunir des spectateurs qui n’étaient généralement pas devant leur écran à l’heure de Détective Conan.

L’épisode 11 inaugure par la même la tradition des épisodes de quarante-cinq minutes de la série, tradition qui continuera pendant bien longtemps. Certaines saisons, lorsque Conan était au sommet de sa popularité, pouvait même avoir deux ou trois épisodes de cette longueur-là. La chute structurelle des audiences de la télévision japonaise rendra petit à petit les épisodes de quarante-cinq minutes de moins en moins rentables, jusqu’à les faire disparaître quasi-intégralement.

Sur le plan de l’anecdote, on remarque que cet épisode inaugure une sorte de running gag de Détective Conan : lorsque Kogorô se présente, quelqu’un répond « Ah, l’astronaute ? », en référence à Mamoru Môri, un astronaute japonais devenu célère en 1992 lorsqu’il a été choisi pour participer à un programme spatial de la NASA. Il était à nouveau sélectionné pour participer au projet de Station Spatiale Internationale un mois après la sortie de l’épisode.
Loin d’être anodine, cette petite référence à Mamoru Môri lorsque Kogorô se présente est importante, car elle montre que la réputation de Kogorô est encore à faire. C’est l’une des caractéristiques du premier arc narratif de la série, l’arc de Conan : rien n‘est encore fait, tout reste à faire. Conan n’a pas encore réussi à faire de Kogorô le « super détective » qu’il deviendra par la suite, conformément au conseil du professeur Agasa. Nous commenterons l’évolution de la réputation de Kogorô dans les prochaines KudoCritiques pour montrer comment sa célébrité évoluera au fil des saisons pour se stabiliser.

III – Bilan

9/10. Un excellent épisode que tout fan de Conan se doit de regarder. L’ambiance et l’histoire racontées sont géniales, et l’on voit vraiment le génie d’Aoyama dans sa manière de gérer la narration et le développement du scénario. Un épisode qui marquera l’histoire de la série Détective Conan.