Détective Conan épisode 911 : La Demande de l'inspecteur Megure

L’épisode 911 de Détective Conan est sorti le 1 septembre 2018 et s’appelle « La Demande de l’Inspecteur Megure ».
Il est scénarisé par Nobuo Ogizawa, et est storyboardé par Sumio Watanabe. Les directrices d’animation sont Chiemi Hironaka et Nanae Yonemoto.


Megure débarque à l’agence de Kogorô, et lui rappelle à quel point il avait été terrible pour lui de travailler avec Kogorô lorsqu’il était jeune. Mais pourquoi l’inspecteur passe-t-il pour lui dire ça ?
Il lui explique que la police est en ce moment bloquée sur une affaire, et qu’il est le seul à pouvoir l’aider. Megure tend au vieux détective un journal qui relate les évènements : un expert en littérature japonaise, Yutaka Reigan (70 ans), a été tué.
« Mais je croyais que le coupable avait été trouvé », dit Kogorô. « Oui, mais alors qu’on allait le poursuivre, quelque chose a tout changé. »

L’homme a été retrouvé poignardé chez lui à Yotsubadai. Son heure de mort est 20 heures, la veille. Un suspect a été trouvé rapidement : Ryûji Maihama. Le voisin, Kôichi Yao, l’a vu passer par là le jour du meurtre, sortant en courant de la maison de la victime, l’air en détresse. Maihama est le neveu de la victime, et la police a retrouvé a posteriori une vidéo d’une caméra de surveillance le montrant en train d’acheter le couteau qui a servi au meurtre.

Apparemment, Ryûji avait dit à plusieurs personnes que quand son neveu mourrait, il toucherait sa fortune en héritage. Or, son oncle lui a annoncé vouloir se marier.
La police s’est donc rendue chez lui pour l’arrêter, mais il a continué de nier au poste.

Alors qu’il lui restait deux jours avant le jugement, Ryûji a fait une révélation à la police durant un interrogatoire : il a en fait un alibi. Au moment du meurtre, il était en train de commettre un vol dans le quartier de Sasago. 500 000 yens ont été volés. Il n’a évidemment pas d’alibi par un tiers, mais comme il a mangé sur place, on a retrouvé ses traces de dent dans de la nourriture. Le vol ayant été perpétré à 19 heures, et étant donné qu’il y a passé une heure, il ne pouvait être à 20 heures chez son oncle.

Megure dit aussi que le voisin qui avait dit avoir vu Ryûji sortir de chez son oncle avait menti dans le but de le faire condamner à tort. Qui plus est, le suspect a révélé que le couteau qu’il a acheté a été enterré derrière son appartement, et n’a donc pas pu servir à tuer son oncle.

Selon la déposition de la victime du vol, elle est tombée dans les pommes suite à un coup violent dans le cou, et s’est réveillé une heure plus tard lorsqu’une émission qui passe à 20 heures à la télévision l’a réveillée. Le coupable lui a demandé où était l’argent, et elle a obtempéré.

Kogorô expose sa déduction : le coupable a enregistré l’émission qui passe à 20 heures, est allé tuer son oncle, est revenu chez la victime du vol, et a lancé l’émission pour lui faire croire qu’elle ne s’était évanouie que pendant une heure et non pendant deux. Conan est d’accord avec la déduction de Kogorô. Seulement, un élément ne concorde pas : un camion de pompier est passé à 20 heures, or la victime a entendu l’émission et le camion de pompier au même moment. Donc, le coupable n’aurait pas pu utiliser la technique de l’enregistrement de l’émission.

Conan endort Kogorô et résout l’affaire : ce n’est pas le corps de l’oncle qui a été déplacé, mais le corps de la victime du vol. Le coupable, Ryûjji, pouvait ainsi être dans sa camionnette et faire croire à la victime du vol, aux yeux bandés, qu’elle était chez elle ; la refaire tomber dans les pommes, et aller tuer son oncle ; et enfin retourner chez la victime pour lui faire croire qu’elle n’avait jamais quitté la pièce.

I – Graphiquement

L’épisode 911 pouvait susciter des appréhensions. La première animatrice-en-chef, Chiemi Hironaka, travaille sur Conan à intervalles régulières depuis les épisodes 650 et quelques. Les épisodes où elle est seule animatrice ont une qualité visuelle décente, mais ont une esthétique assez étrange, comme « décalée » par rapport au design de base des personnages. L’autre animatrice, Yonemoto, est (presque) inconnue au bataillon : son premier et seul épisode jusqu’à présent était l’épisode 907, qui était si étrange que l’on ne peut dire s’il était beau ou moche.

Cependant, contre toute attente, l’épisode est, sur le plan visuel, très décent. Il n’est que rarement magnifique (il faut, pour ça, attendre les plans que Seiji Muta a supervisés), mais il tient la route. Les personnages sont peut-être aussi bien dessinés que lorsque c’est Akio Kawamura qui prend en charge l’animation. Le duo d’animatrices se permet même, trop peu malheureusement, des plans en traits noirs. Certes, l'esthétique des personnages y est étrange, mais ils restent beaux :


A gauche, un plan en traits noirs de Yamamoto et Hironaka ; à droite, du maître Seiji Muta


Mais ce qui fait la qualité graphique de l’épisode, ce n’est pas tant son animation ou le design des personnages, que l’esthétique générale de certaines scènes. Les storyboardeurs ont eu des très bonnes idées. On peut citer, par exemple, la scène où le coupable apprend qu’il ne va pas toucher l’héritage de son oncle. On sent sa haine grâce à un filtre rougeâtre qui a été placé sur l’écran. Cela avait déjà été fait dans l’épisode 905, et le rendu avait été très bon. C’est là aussi le cas.

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L’autre exemple d’esthétique innovante est la scène du meurtre. On sait que l’équipe de production de l’animé veut de plus en plus édulcorer les scènes « violentes » de la série. Cela force les storyboardeurs à être inventifs. Et ce n’est, finalement, pas plus mal : si dans l’épisode 893 ils avaient fait le choix de montrer le meurtre dans le reflet d’un verre, l’épisode 911 fait mieux :

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Une autre réussite est la scène du vol. Tout y est bien fait : le filtre de couleur grisâtre, la caméra qui bougeotte pour montrer les petits pas du coupable, la vue à la première personne, l’animation, c’est du très bon. Même si le scénario par-dessus n’est pas forcément des meilleurs, l’animation, elle, tient le coup.

Cela ne signifie pas pour autant que tout est réussi dans l’épisode. Certains plans sont trop fixes, certains plans sont tout à fait inutiles ou incompréhensibles.

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{cke_protected_1}
{cke_protected_2}Aussi, on peut voir, durant la scène-flashback au QG de la police, une réunion organisée par Megure pour résoudre le meurtre. En arrière-plan, des policiers dorment. Est-ce une erreur d’animation (l’animateur aurait dessiné le plan puis aurait oublié de demander aux in-betweeners, c’est-à-dire aux animateurs qui dessinent les petites animations, de l’animer ?), ou est-ce une critique déguisée de la tendance des japonais à accumuler d'assommantes réunions contre-productives ?

Aussi, les plans que l’on a de l’agence dans l’épisode montrent bien l’erreur commise par l’équipe de production des films, qui a dessiné l’agence de Kogorô bien trop grande dans le film 22. Alors qu’il y a normalement deux carreaux entre le sofa et la télévision, il y en a quatre dans le film. Nous avons entouré en rouge les endroits où le film 22 a commis une faute dans les proportions. L’épisode 911 a réussi à respecter les proportions normales.


A gauche, l'agence bien trop grande du film 22 ; à droite, l'agence normalement proportionnée de l'épisode 911


II – Scénaristiquement

Si d’un point de vue visuel, l’épisode 911 est plutôt une réussite, peut-on en dire autant du scénario ?
Il y avait beaucoup à craindre avec cet épisode. Nobuo Ogizawa a scénarisé 44 affaires de Détective Conan, pour plus de 50 épisodes. Il est donc responsable à lui-seul de presque 8% des fillers de la série aujourd’hui. Seulement, comme nous l’avions déjà dit, Ogizawa n’est pas de ces scénaristes qui réussissent tout ce qu’ils font. Sans la créativité de Miyashita, ni la maestria de Kôchi, Ogizawa persiste.

Son pêché mignon, ce sont les affaires qui semblent irrésolubles. Ainsi, ses titres sont toujours ainsi paradoxaux ou étranges : « L’Homme qui est mort deux fois » (834/845), « L’Homme qui a été tué quatre fois » (175), « Que ce serait bien si tout le monde disparaissait » (439), « Un Homme mystérieux – Des normes bien trop strictes » (459), ainsi que « Une Affaire de kidnapping… enfin c’est ce qu’on croyait » (393), que nous trépignons d’impatience de critiquer. Le dada d’Ogizawa est donc de nous donner du fil à retordre. Cela serait parfait, si seulement il n’échouait pas quasiment à chaque fois à donner une bonne résolution à ces enquêtes. Parce qu’elles sont très « thought provoking », c’est-à-dire qu’elles nous donnent du mal parce qu’elles ont l’air insolubles, la résolution de ses affaires sont souvent mauvaises : Ogizawa ne sait pas comment résoudre ses propres affaires. A trop promettre, on finit par décevoir.

Le ratio de réussite d’Ogizawa étant de 1 pour 10, et son dernier épisode n’ayant pas été si mal, on pouvait s’attendre à une mauvaise affaire. Que nenni. L'Ogizawa de 2018 est un Ogizawa sous stéroïdes : il réussit à produire des bons scénarios.

Comme bien souvent chez Ogizawa, l’astuce du meutre réside dans la fabrication d’un alibi qui joue sur les heures. Le meilleur exemple de ce genre de ficelles dans un de ses épisodes est l’épisode 708, « L’Homme qui est tombé lentement ». Le paradoxe de l’épisode est clair dès le départ : comment un homme a pu, au même moment, être à deux endroits différents de la ville ?
Et même si l’explication est assez simpliste, parce qu’une affaire avec Ayumi nous avait déjà montré ce stratagème, le suspense est là et la révélation est satisfaisante.

L’enquête se fait entièrement dans le bureau de Kogorô, par coups de flashbacks. Or, ce genre d’épisode est très dangereux pour un scénariste : gérer des flashbacks est assez risqué (même Kôchi s’est pris les pieds dans le tapis en utilisant cette technique scénaristique dans le film 16), et c’est aussi prendre le risque que l’affaire soit fade et qu’il n’y ait pas d’action. Une fois de plus, rien de tout cela : Ogizawa réussit à garder le spectateur intéressé grâce à un rythme bien géré, et à une enquête émaillée de petits moments sympathiques.
Ogizawa réussit même à créer une scène drôle : Kogorô voulant résoudre l’affaire, pense qu’il doit s’endormir. Or, il a fait une grasse matinée. Donc, il se met à beaucoup manger pour avoir envie de s’endormir et ainsi résoudre l’affaire dans son sommeil. La scène ne paie pas de mine mais est plutôt bien faite, et créée une sorte de continuation de l’affaire « Kogorô dans un bar » (épisodes 738 et 739). Seulement, Ogizawa étant Ogizawa, il ne peut s’empêcher de ruiner cette petite scène avec une franche dose de mauvais goût : Kogorô se lève et dit « C’est bon ! », Megure croit que Kogorô a résolu l’affaire, mais non, Kogorô va se rend aux toilettes pour déféquer. Après l’épisode 907 dont le mystère était de savoir comment Kogorô avait pu avoir la diarrhée, nous sommes servis.

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Une autre raison pour laquelle l’enquête n’est pas terriblement plate est qu’il y a du nouveau par rapport aux précédentes affaires où quelqu’un demande de l’aide à Kogorô et lui raconte toute l’histoire : l’élément additionnel qui créée une plus-value décisive, c’est le fait que Megure est celui qui va voir Kogorô, et qui lui rappelle les bons temps où ils travaillaient ensemble au commissariat. Ogizawa aurait-il enfin commencé à lire le manga Détective Conan et aurait-il enfin vu les films ? Ce genre de bonne idée était avant l’apanage de Kôchi, seul scénariste qui connaissait l’univers de Conan sur le bout des doigts.

Il est aussi intéressant de voir l’intérieur du QG de la police dans l’épisode. On voit les policiers travailler sur l’enquête dans une salle de réunion qui ressemble vaguement à une salle de classe. Cela nous fait penser que la salle de réunion des policiers dans le film 22, qui était vaste, avec un grand écran et des escaliers, doit être réservée aux grandes occasions et aux affaires importantes.

On remarque qu’étrangement, deux des endroits mentionnés dans l’épisode, à savoir le quartier de Yatsubodai et de Sasago, n’existent pas. Cela est étrange, quand on sait que Conan se veut parodie du monde réel. Tôkyô Daigaku devient Tôto Daigaku, la Tôkyô Tower devient la Tôto Tower, etc.. Cependant, il y a bien un lycée Yatsubodai et un tunnel Sasago. Peut-être Ogizawa a-t-il donc appelé des quartiers résidentiels qui existent vraiment à Tôkyô par le nom du lycée et du tunnel du coin.

La mise en scène de l’épisode est aussi intéressante. Tout se passant dans l’agence, il fallait donner un minimum de diversité aux plans. Ogizawa et le storyboardeur le réussissent à merveille : comme aux débuts de la série, Conan suit la discussion des adultes en étant derrière le divan de Kogorô. C’est nostalgique, et ça plaira certainement aux fans des premiers épisodes de la série.


III – Bilan

La résolution est certes un peu banale, mais Ogizawa réussit la prouesse de créer une ambiance agréable et une affaire intéressante. Il rajoute par-dessus des dynamiques de personnages intéressantes, une référence à la jeunesse de Kogorô, et quelques scènes assez drôles. De quoi un fan peut-il, dans ce cas, se plaindre ? 7,25/10, à voir pour sa culture de Conan-patriote, car l’épisode représente ce qui se fait de mieux dans la catégorie des « épisodes à flashbacks ». Bravo, Ogizawa.


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