Détective Conan épisode 918 : La Grande poursuite de la petite voiture de police

L’épisode 918 de Détective Conan est sorti le 27 octobre 2018 et s’appelle « La Grande poursuite de la petite voiture de police ».
Il est scénarisé par Yûko Okabe, et est storyboardé par Masaharu Ôkuwaki. Le directeur de l’animation est Akio Kawamura.



Yumi et Naeko patrouillent dans la ville à bord de leur petite voiture de police, lorsqu’elles entendent Conan leur crier « Attendez ! ». Ils courent après un coupable qui s’est enfui en voiture. Le criminel a kidnappé Genta.

Alors qu’ils essaient de le retrouver dans la ville, Conan contacte Genta sur son badge. Malheureusement, Genta a les mains liées, et ne peut parler. Ils n’entendent que les gargouillements de son ventre.

Mitsuo Kawamuta, un des deux kidnappeurs, se demande quoi faire de Genta. Leur mission n’était pas de le prendre avec eux, mais de voler des diamants. Shô Iguchi, l’autre coupable, se rend bien compte qu’il a vu leur visage. Que faire ?

Conan localise le badge de Genta avec ses lunettes, et se rend compte que la voiture des coupables se rapproche de Teitan. Yumi, fine connaisseuse de la géographie de Tôkyô, donne les consignes à Naeko pour qu’elle s’y rende au plus vite. Les malfaiteurs réussissent à les semer, et découvrent le badge de Genta.

Conan comprend le code avec lequel les malfaiteurs communiquaient lorsqu’il les a croisés plus tôt, et dit à Yumi de se rendre aux docks de la ville. Là, ils trouvent Genta, bâillonné, avec mes malfaiteurs. Il les arrête, et explique aux autres que les coupables n’avaient pas volé des diamants, mais des anguilles.

I – Graphiquement

Avec Akio Kawamura aux commandes, nous étions en droit de nous attendre à un épisode plutôt bien dessiné. Pas magnifique, mais pas mauvais ; voilà comment on peut résumer le travail de Kawamura sur la série. Seulement, cet épisode-ci est une triste déception, tant Kawamura n’y a pas apporté de soin.
Les dessins sont de mauvaise qualité, et les visages sont bien trop souvent déformés. Le trait est hésitant, et l’animation n’est pas très bonne. On ne ressent même pas la patte distinctive de Kawamura tout au long des animations. Aurait-il délégué la tâche à des animateurs moins expérimentés ? Dans tous les cas, les dessins ne font pas honneur au scénario, auquel nous reviendrons plus tard.

On remarque également que c’est Masaharu Ôkuwaki, star montante de l’animation Détective Conan, qui a fait le storyboard. Il est en effet de bonne facture : les travellings sont bien faits, et comme toujours, Ôkuwaki tente d’être innovant dans son séquençage. Mais la qualité de l’animation n’est juste pas au rendez-vous. La coopération entre Kawamura et Ôkuwaki avait porté bien plus de fruits dans le bon épisode 899.

Mais s’il y a quelque chose qu’il faut saluer, dans cet épisode, c’est le design de Yumi et Naeko. Comme nous l’avons expliqué par le passé, les personnages qui apparaissent peu à l’écran sont ceux qui sont les moins bien dessinés. Akai et Masumi, notamment, ont tendance à avoir un terrible design, ou du moins lorsque ce ne sont pas des animateurs expérimentés (Yamamoto, Sudo, Muta) qui les prennent en charge. Ainsi, on pouvait s’attendre à ce que Yumi et Naeko soient terriblement mal dessinées. Ce n’est nullement le cas. Peut-être parce que leur design est relativement peu fouillé, d’ailleurs ; mais il n’en reste pas moins que les deux protagonistes ne choquent que rarement l’œil.

Pour l’anecdote, plusieurs erreurs graphiques se sont glissées dans l’épisode. Ayumi échange de place avec Mitsuhiko sur un plan lors de la course poursuite, et le badge de Conan comporte une faute d’orthographe :

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II – Scénaristiquement

A la fin de notre critique de l’épisode 899, nous avions écrit que l’épisode avait été apprécié par les fans Japonais sur Twitter, et qu’ils avaient exprimé leur envie qu’Okabe revienne pour un nouvel épisode sur la série. Sept mois après, Okabe réussit-elle à reproduire sa réussite ?

Pour ne pas trop nous étendre, on peut dire que le pari est réussi. Ce qui avait plu dans l’épisode 899, c’était l’aspect rafraichissant de son scénario. Elle n’hésitait pas à sortir des sentiers battus, à nous montrer des choses rarement vues dans Détective Conan. Au lieu de faire finir l’épisode dans l’appartement où le meurtre avait été commis, Conan se rendait dans un aéroport, par exemple. Cela peut sembler de peu, mais c’est avec ce genre de petite variante que l’on peut rendre un filler banal en un filler qui vaut le coup d’être regardé.
Okabe opère exactement la même magie ici.

Les scénaristes de fillers rechignent à utiliser des personnages qui sortent de l’ordinaire. Pas Okabe : Naeko et Yumi font leur première apparition dans les fillers de Détective Conan. L’idée est excellente, et on aimerait tant que les autres scénaristes de fillers l’imitent. Les fillers de Conan ont réussi à ne pas trop se répéter au cours de ses dernières années, mais ils n’ont pas réussi à produire de la nouveauté, de l’originalité. Faire apparaître Naeko et Yumi permet d’apporter un facteur de nouveauté au filler, et d’explorer de nouvelles dynamiques entre les personnages.
Il semblerait d’ailleurs que l’équipe de production de l’animé se rende petit à petit compte de l’utilité de faire apparaître des personnages inhabituels dans les fillers. Makoto Kyôgoku était apparu dans le prologue du film 21 (épisode 855, avril 2017), et les prologues du film 20 et 22 (épisodes 813, avril 2016, et 898, avril 2018) n’avaient pas refusé de faire apparaître Amuro. La prochaine étape serait de développer l’apparition de personnages inhabituels dans les fillers, méticuleusement, de sorte à ne pas poser de problème à la trame du manga.

Mais le fait qu’Okabe fasse apparaître Yumi et Naeko n’est pas une coïncidence. Okabe est innovante. Elle ne veut pas rester dans les clous. En ce sens, elle se rapproche de Kazunari Kôchi, qui n’hésitait jamais à faire apparaître des personnages qui sortent de l’ordinaire dans ses fillers, tant il maîtrisait la série : Yukiko et Yûsaku (épisode 418, octobre 2005), et même Shinichi (épisode 437, mai 2006), étaient apparus sous sa plume.
Okabe peut aussi se le permettre car elle connaît très bien l’univers de Détective Conan. Elle a écrit des billets sur son blog, où elle expliquait qu’elle était fan de la série, et qu’elle s’arrêtait toujours de travailler lorsque, le samedi à 18:00, l’épisode hebdomadaire était diffusé. Pour bien faire comprendre combien elle est fan de la série, Okabe insère dans son scénario diverses références : au tout début de l’épisode, lorsque Naeko dit que même si une affaire importante se présentait à elles, elles n’auraient pas le droit de la résoudre, Yumi répond que c’est « son amoureux », Chiba, qui serait envoyé sur l’affaire. Voilà un petit clin d’œil bien placé, surtout lorsque l’on sait que l’affaire du meurtre en série des policières, qui sera adapté vers juin de l’an prochain, fait avancer l’histoire entre Chiba et Naeko.
Mais Okabe ne s’arrête pas là. Pour son scénario, elle est contrainte de réutiliser un élément déjà vu récemment dans la série, à savoir que Conan avec ses doigts à l’européenne, et non à la japonaise. Un mauvais scénariste de filler aurait réutilisé cet élément scénaristique à la « ni vu ni connu ». Okabe n’est pas faite de ce bois : elle fait directement référence à l’affaire de la tente brûlée (épisodes 909 et 910, juillet/août 2018), avec en prime un flashback. Une interconnexion entre les épisodes tirés du manga et les épisodes fillers, voilà exactement ce dont la série avait besoin pour créer plus de continuité, pour bâtir un univers plus grand.
Pour achever l’épisode sur une dernière référence qui montre la fanatitude d’Okabe, celle-ci fait en sorte que Yumi arrête le coupable. Mais pas n’importe comment : Yumi utilise la même prise de taihô jutsu (l’art martial inventé par la police japonaise pour arrêter les coupables) que Miwako Satô a déjà utilisé par le passé. Et pour éviter que les critiques aguerris que nous sommes ne pense que c’est une coïncidence, Okabe fait dire à Yumi : « Voilà une technique que Miwako m’a apprise ». Carton plein.

Les références mises à part, Okabe réussit-elle à écrire un bon scénario ? L’affaire est-elle bonne ?
C’est précisément là, malheureusement, que l’épisode pèche. Nous aurions adoré qu’Okabe fasse un sans-faute pour que nous la qualifiions de « nouveau Kôchi ». Seulement, l’affaire en elle-même n’est pas spécialement bonne.
Tout d’abord, Genta se fait kidnapper. Rien de révolutionnaire. Mais après, peut-on encore être révolutionnaire en 2018 dans Détective Conan ? Le problème vient plutôt du fait que des épisodes récents ont déjà utilisé cette technique scénaristique, et qu’il aurait peut-être mieux valu faire autre chose : en un an, ce sont Conan (épisodes 913 et 914, septembre 2018), Ayumi (épisode 910, août 2018) et Eri (épisodes 901 et 902, mai 2018) qui l’ont été. Une voiture de police peut suivre des coupables sans que ceux-ci aient forcément kidnappé un ami de Conan.

Ensuite, l’enquête n’est pas particulièrement bonne. Elle est même très simpliste. Néanmoins, ce serait commettre une erreur que de juger l’épisode sur la complexité de l’affaire. La présence-même de Yumi signifiait que l’épisode allait être plus dans le « comic relief », l’humour, que dans l’enquête et le sérieux, étant donné le caractère hystérique de la policière. Cet épisode doit être vu comme un épisode de relaxation, et comme un épisode-test : il n’est pas improbable que l’équipe de production de l’animé ait accepté de faire apparaître Yumi et Naeko pour savoir si cela allait plaire aux spectateurs, afin de prolonger, ou pas, l’expérience. Notre avis est qu’il faut absolument diversifier l’offre de personnages de la série dans les fillers, de sorte à ne pas avoir que deux types de fillers (ceux avec Kogorô et Ran, et ceux avec les Detective Boys). Tant de possibilités sont possibles, avec des personnages comme Shiratori, Eri, Masumi, etc. Il faut seulement que l’équipe de production s’assure que ces personnages soient bien utilisés, c’est-à-dire qu’ils apparaissent peu souvent, et que leur caractère corresponde à celui donné par Aoyama.

Ce que l’on remarque aussi avec l’épisode, c’est qu’il nous fait passer un message, un message écologique. C’était très dangereux de faire ça, étant donné que la plupart des scénaristes de Détective Conan ne savent pas du tout s’y prendre. Là, Okabe réussit parfaitement à l’inclure dans la résolution de l’affaire, et en utilisant à profit les personnages (Genta qui se demande si c’est à cause de lui que l’anguille est devenue une espèce menacée au Japon, notamment).

Notre plus grand regret, dans cet épisode, finalement, est qu’Okabe n’ait pas poussé l’idée jusqu’au bout. Une fois l’affaire résolue, le professeur Agasa invite tout le monde chez lui. C’était une bonne idée, mais rajouter une scène de dix secondes où Yumi aurait dit à Naeko qu’elle allait passer un coup de fil pour prévenir Shûkichi qu’elle a réussi à arrêter un coupable, ça, ça aurait été génial. Comme Okabe ne l’a pas osé, mais qu’elle y a pensé, elle n’a pu se lâcher que dans la petite boîte de dialogues post-Conan’s Hint, où Yumi fait une référence à « Chûkichi ». Dommage que ça n’ait pas été inclu dans l’épisode.

III – Bilan

Okabe est une fan de la série qui recèle en elle une créativité et un potentiel que l’on n’avait plus vu depuis l’arrivée de Miyashita sur la série. Etant donné la qualité de l’enquête, seul point noir de l’épisode, facilement oublié grâce à l’ambiance et les interactions entre les personnages, on ne peut pas dire qu’elle est le nouveau Kôchi. Mais il faudra garder un œil sur ses prochains scénarios, car le potentiel est là. Espérons que son prochain épisode ne soit pas gâché par des aussi terribles graphismes. 7/10, à voir pour sa culture de Conan-patriote.